Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/293

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qu’il est question, quoique le texte manuscrit ne le porte pas. La déclaration que nous venons de citer est particulièrement importante, car elle modifie complètement pour les Antilles les dispositions du Code Noir. En effet, les articles 56, 57 et 59 étaient beaucoup plus libéraux : ils prévoyaient le cas où un esclave était fait légataire universel par son maître, et pour lors il était affranchi ipso facto ; de plus, il était assimilé à peu près complètement aux personnes, libres. Mais déjà l’article 52 de l’Édit de mars 1724 avait dérogé à ces dispositions pour la Louisiane, et la Déclaration de 1726 y dérogeait d’une manière générale pour toutes les colonies à esclaves. On devine les motifs qui ont produit cette modification : c’est que le gouvernement voulait non seulement essayer de mettre un nouveau frein au libertinage, mais surtout empêcher les mulâtres de trop posséder, ce qui aurait rapidement conduit à l’annihilation de la population blanche. Cet inconvénient n’existait pas pour les donations ou legs faits aux esclaves, puisque, en somme, la propriété en revenait toujours aux maîtres.

Il va de soi, et c’est ce que dit aussi l’article 28 du Code Noir, que les esclaves, possesseurs transitoires de leurs biens, n’avaient nullement le droit de les transmettre par aucun acte entre vifs ou testamentaire, comme étant « gens incapables de disposer et contracter de leur chef[1] ». Tout au plus pouvaient-ils entre eux se faire quelques présents consistant en menus objets. Comment, dans ces conditions, auraient-ils été encouragés à économiser ? Aussi bien constatons-nous la plupart du temps qu’ils dépensaient au fur et à mesure ce qu’ils gagnaient, en objets de toilette et en festins. De là aussi des habitudes d’insouciance et d’imprévoyance que, sauf exception, gardaient souvent les affranchis, au moins à la première génération. Mais nous aurons à revenir sur la question des affranchis.

  1. Moreau de Saint-Méry rapporte cependant (Description… de Saint-Domingue, I, 75), que les maîtres leur laissaient une certaine liberté de tester.