Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/319

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tement rappelées, et, jusqu’à cette date, nous n’en avons pas trouvé d’autre que celle du 30 septembre 1686. Comme pour tout, d’ailleurs, il est à peu près impossible d’obtenir que les habitants se conforment à ce qui leur est prescrit. Nous en avons la preuve dans cet extrait d’une lettre du Ministre à MM. Dupoyet et de la Chapelle, administrateurs des Îles-du-Vent[1] : « Je suis très fâché d’apprendre que les habitants continuent de se servir de noirs par préférence aux blancs, pour les mettre à la tête de leurs habitations et pour domestiques ; cet entêtement pourra, un jour, causer beaucoup de désordre aux îles, et je vous recommande de le faire entendre aux habitants et de les désabuser sur cela autant que vous le pourrez. » À la date du 1er janvier 1764, nous lisons dans un Mémoire du roi adressé au comte d’Estaing sur le gouvernement de Saint-Domingue[2], que le sixième objet dont il aura à s’occuper est « la discipline des nègres et la population des blancs. » Il est dit : « Le sieur comte d’Estaing trouvera dans le Code Noir les ordonnances qui ont été rendues sur la police des nègres, mais il paraît qu’elles sont insuffisantes ou par leurs dispositions ou par défaut de leur exécution. » Il est constaté par exemple qu’à peine y a-t-il 1 blanc pour 30 noirs, tandis que d’après les lois il devrait y en avoir 1 sur 10. Et la suite nous en donne les motifs, intéressants à noter : « C’est la faute des maîtres qui, ayant voulu faire apprendre toutes sortes de métiers à leurs nègres, leur ont donné ensuite les emplois les plus considérables de leurs habitations, à la place des blancs auxquels ils auraient dû les confier ; la plupart de ces nègres, devenus libres ensuite, ont exercé dans les villes tous les métiers qui devaient être exercés par les blancs, dont ils ont pris la place. C’est un des plus grands désordres de Saint-Domingue, et auquel il est temps de remédier absolument, si on veut trouver des ressources en temps de guerre pour la défense du pays ; en

  1. Arch. Col., B, 55, p. 292, 26 juin 1731.
  2. Ib., B, 119, folio premier.