Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/357

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provisoirement en prison. Le Mémoire, dont nous avons extrait ces faits, rapporte encore qu’un nègre de la dame Chamblain est venu déclarer que sa maîtresse a fait brûler 8 ou 10 nègres depuis plusieurs années. Il parle d’un maître qui a fait brûler avec de la cire ardente les mains, les bras et les reins de 5 ou 6 de ses nègres marrons. Or, il n’est pas question de la moindre sanction pour ces atrocités. Aussi les officiers, qui ont signé le Mémoire pour en appeler au Conseil du Cap, disent-ils que, s’il est parfois dangereux d’écouter les plaintes des esclaves, il ne faut pas non plus toujours faciliter la barbarie des maîtres. « En un mot, la religion, l’humanité, nos mœurs, nos lois précises et positives, la plus saine politique enfin de la colonie, tout exige de mettre des bornes à la tolérance envers les maîtres, qui abusent de leur autorité et propriété sur les hommes esclaves ; il ne faut user de la loi qu’avec considération, cela est vrai, mais il faut arrêter les barbaries et les cruautés, surtout quand elles ne sont dirigées ni par la raison, ni par la justice. »

Les instructions de cette nature sont sans cesse répétées, ce qui prouve qu’elles restaient trop souvent sans effet. Le 21 août 1776, le Ministre prescrit aux administrateurs de Cayenne, De Fiedmont et Malouet[1], d’empêcher « le spectacle révoltant des châtiments publics », et lui trace la conduite à suivre à l’égard des maîtres cruels. Le 9 mai 1777[2], il adresse une circulaire aux divers administrateurs, en leur envoyant vingt exemplaires de l’ouvrage de Petit, député des Conseils supérieurs des colonies, sur le Gouvernement des esclaves, et il écrit : « La conduite des maîtres semble exiger qu’on leur retrace des devoirs qu’un intérêt malentendu a pu seul leur faire perdre de vue. »

Sans nous attarder à citer encore des cas particuliers, qui ne nous offriraient rien de nouveau, nous arrivons enfin à l’ordon-

  1. Arch. Col., B, 156, Cayenne, p. 32.
  2. Arch. Col., B, 160, Martinique, p. 48.