Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/450

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avons vu, dans ce même chapitre, que, faute de pouvoir justifier de leur affranchissement, ils étaient exposés a retomber en esclavage.

Une distinction primordiale établie entre eux et les blancs, c’est la défense qui leur est faite de porter les noms des blancs[1]. Ceux d’entre eux qui en avaient déjà pris furent contraints d’en changer[2]. Mais il est à remarquer que cette défense s’appliquait aux « négresses, mulâtresses, quarteronnes et métives libres et non mariées ». Elles sont tenues, en faisant baptiser leurs enfants, de leur donner, outre le nom de baptême, « un surnom tiré de l’idiome africain ou de leur métier et couleur, mais qui ne pourra jamais être celui d’une famille blanche de la colonie[3] ». Cette précaution était prise sans doute pour éviter qu’on donnât aux enfants naturels le nom de leur père. Ce n’était que dans le cas où une femme de couleur libre épousait un blanc qu’elle pouvait prendre son nom.

Mais on cherche par tous les moyens possibles à éviter les unions régulières des blancs et des gens de couleur. Ainsi le Ministre écrit, le 26 décembre 1703[4], au gouverneur général des îles, que le roi ne veut pas que les titres de noblesse des sieurs [pas de nom] soient examinés et reçus, parce qu’ils ont épousé des mulâtresses, ni que le gouverneur permette qu’on rende aucun jugement pour la représentation de leurs lettres. — Une négresse affranchie étant sur le point d’épouser un blanc, l’autorisation lui est refusée, et le roi fait connaître à M. Dalbond[5] qu’il a eu raison, car son intention n’est point de permettre le mariage des nègres avec les blancs. Cette interdiction paraît d’autant plus singulière

  1. Durand-Molard, III, 151. Ordonnance du 6 janvier 1773.
  2. Id., ib., 168, 4 mars 1774.
  3. Moreau de Saint-Méry, V, p. 448. Règlement des Administrateurs de Saint-Domingue, publié au Cap, le 24 juin 1773, et à Port-au-Prince, le 16 juillet. Il rappelle les règlements des 12 janvier 1727, 15 juin 1736, 14 novembre 1755.
  4. Id., I, 716.
  5. Arch. Col., B, 72, p. 152. Lettre du 30 décembre 1741.