Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/473

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accommodés » commencèrent à acheter les terres de leurs voisins. Dès 1680, les Antilles ont perdu « plus de 4.000 habitants, dont les terres sont à présent possédées, écrit l’intendant Patoulet, par 12 ou 15 sucriers seulement… L’habitation du sieur de Maintenon, la plus grande et la plus fructueuse, n’a qu’un économe blanc et plus de 150 nègres[1]. » À Saint-Christophe, les gros propriétaires forcent les petits par tous les moyens à abandonner leurs terres pour s’agrandir. Il finira par ne rester que « les grosses familles, c’est-à-dire les sucriers[2] »… Ce mouvement ne fait que s’accélérer. Les administrateurs se plaignent constamment que les « petits blancs » diminuent, qu’il n’arrive pas assez d’émigrants d’Europe, que les « cultures vivrières » sont de plus en plus abandonnées. Le Ministre écrit à ce sujet, le 30 mars 1687, au chevalier de Saint-Laurent[3], qu’il y a déjà trop grande abondance de sucre : « Il est nécessaire de les obliger (les habitants) à partager la culture de leurs terres en indigo, rocou, cacao, casse, gingembre, coton et autres fruits qu’ils peuvent cultiver, et de tenir la main à ce qu’ils se mesurent dans ce partage, de manière qu’ils ne tombent pas dans l’excès d’une même espèce, autant qu’il sera possible. Il faut aussi qu’ils s’attachent à élever des vers à soie[4]. » Il insiste peu après sur ce point dans un autre mémoire[5], en ces termes frappants : « La perte infaillible des îles sera causée par l’excessive quantité de cannes de sucre que les habitants ont plantée. » Malheureusement, rien ne peut arrêter le mouvement donné. Tout est sacrifié par quelques propriétaires ayant des capi-

    nique, en 1644 (P. Leroy-Beaulieu, op. cit., 162. Pourtant Labat, III, 323, est d’avis qu’elle existait déjà aux Antilles. Dacosta aurait seulement fait connaître les procédés par lesquels il fallait la traiter.

  1. Arch. Col., C8, II, Mémoire du 11 décembre 1680.
  2. Ib.’, F, 250. Mémoire de Blenac et de Goimpy, 6 mars 1687.
  3. Ib., B, 13, p. 8.
  4. Les instructions fréquemment renouvelées sur ce point n’eurent jamais de succès.
  5. Arch. Col., B. 13, p. 63, Instructions répétées dans les mêmes termes au comte Desnos, B, 24, p. 20. Lettre du 19 février 1720.