Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/48

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colon espagnol[1] ; et il ajoute : « Il y a un axiome d’arithmétique politique, sanctionné par l’expérience et par la nature des choses, à savoir que : « L’immigration des hommes blancs et libres dans les colonies européennes d’Amérique a été en raison inverse de l’accroissement de la population esclave. » Ce fait est si vrai qu’en 1774 le rapport des blancs aux noirs était dans la proportion de 6 à 4 ; la traite fit progressivement changer la balance jusqu’à ce qu’enfin, en 1841, les termes se trouvèrent complètement renversés, le rapport étant aujourd’hui de 4 à 6. »

À Porto-Rico, où les habitants ne pouvaient pas acheter autant d’esclaves, il y eut toujours beaucoup plus d’Européens obligés de cultiver eux-mêmes la terre. « Sur 357.000 âmes, on ne compte pas moins de 188.869 blancs, travaillant aux champs communément avec les nègres[2]. » En 1844, il y avait 1.277 petites plantations de cannes à sucre mises en valeur par la main-d’œuvre de leurs propriétaires[3]. L’auteur qui nous fournit ce renseignement remarque justement que « l’habitude du travail et surtout du travail de la terre donne… à l’Européen un avantage sur l’esclave noir, qui, la plupart du temps, a passé sa première jeunesse dans la fainéantise. » Il a constaté aussi que « les noirs sont beaucoup plus sensibles que les blancs à la transition de la chaleur au froid dans les Antilles. Accoutumés aux ardeurs du soleil brûlant de leur pays, on les voit, dans les Antilles, paralysés et grelottants, pour peu que le thermomètre baisse, se presser autour du feu aux heures qui ne sont pas consacrées au sommeil ou au travail. » Nous lui emprunterons, pour finir, cet

  1. Mémoire présenté à la reine d’Espagne par D. Domingo de Goicouria à l’effet d’augmenter la population blanche et la production du sucre dans l’île de Cuba. Septembre 1846. Revue Coloniale de janvier et février 1849, C. 2e série, t. II, p. 45.
  2. Colonial Gazette du 10 novembre 1841 : Rapport fait à la Société d’Émancipation et d’Agriculture de la paroisse Saint-Georges de la Jamaïque.
  3. José Saco, De la suppression de la traite des esclaves africains dans l’île de Cuba (Revue Coloniale de mars 1845, t. V, p. 257).