Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/79

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tous les ans, il parte deux navires des deux principales villes maritimes, chacun pouvant contenir 500 nègres, pour les Îles-du-Vent[1] ». Mais c’est loin d’être suffisant, et il est difficile de comprendre ces restrictions. Pourquoi ne pas se montrer plus large à l’égard des armateurs particuliers, puisque depuis deux ans les Compagnies n’ont pas fourni un seul nègre, au moins à la Martinique, et qu’elles « n’ont d’attention que d’en fournir aux Espagnols[2] » ? Il semble, en vérité, que la métropole, uniquement préoccupée de protéger le monopole de l’Assiente, n’ait qu’un souci médiocre des besoins et des intérêts de ses colonies. M. Deslandes, gouverneur de Saint-Domingue, reçoit un blâme pour avoir permis à un habitant de faire venir 120 nègres de Saint-Thomas. « Vous pouvez bien, lui dit le Ministre, traiter avec Desrideaux pour fournir dans les comptoirs de l’Assiente des nègres,… mais vous ne devez souffrir sous aucun prétexte que les particuliers en tirent des étrangers… Il sera pris des mesures justes pour fournir la colonie de nègres abondamment[3]… » Belles promesses sans doute, comme on en fait depuis longtemps. Mais comment sont-elles tenues ? Aux armateurs disposés à faire la traite on impose d’abord l’obligation de fournir Cayenne ; mais ils refusent[4] parce que ce trafic est trop peu important et trop peu rémunérateur, vu les maigres ressources de la colonie. Et, comme les colons offrent d’aller chercher eux-mêmes des nègres, on le leur interdit absolument « sous quelque prétexte que ce soit, n’étant pas possible que ce commerce, qui n’a point d’objet, ne les détourne de la culture de leurs terres et ne soit une occasion de désordre[5] ». Si on se décide, enfin, à autoriser les négociants

  1. Arch. Col., F, 250, p. 199.
  2. Ib., C8, 15. Lettre du sieur Mithon, 23 juin 1705.
  3. Ib., B, 26, p. 139. Lettre du 5 août 1705.
  4. Ib., B, 28, p. 160 et 187. Lettres à M. de Lusançay, 5 et 26 mai 1706. — À la Martinique et à Saint-Domingue, les prix sont de 7 à 900 livres, et à Cayenne de 4 à 500 seulement, d’après une lettre du 25 juillet 1708 à M. d’Orvilliers. B, 31, p. 194.
  5. Ib., B, 31, p. 454. Lettre au sieur d’Albon, ler juin 1707.