Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/86

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33 livres qui grèvent d’autant les prix pour les colons, obligés de payer par surcroît les gains que veulent naturellement faire les armateurs.

À chaque instant, la législation varie. C’est ainsi que, dès le 26 février 1726, le roi rend un arrêt[1] pour défendre aux particuliers d’envoyer leurs vaisseaux dans les pays de concession de la Compagnie ; puis, le 3 juillet, il prescrit à la Compagnie de ne plus exiger que 10 livres par tête. Le surenchérissement constant des nègres faisait que les habitants ne se décidaient pas à les payer. Le Ministre s’en plaint aux administrateurs de la Martinique[2]. Il trouve honteux que les habitants ne payent pas plus exactement leurs dettes à la Compagnie pour les noirs, « dans le temps qu’on sait qu’ils payent exactement et presque toujours comptant celles qu’ils contractent avec l’étranger pour le commerce frauduleux ». Il constate ensuite[3] qu’il est dû à la Compagnie 1.264.700 livres. Ses agents ont beau faire saisir les denrées et les nègres ; les habitants en disposent nonobstant les saisies. C’est un cas pourtant où il y aurait lieu d’autoriser exceptionnellement la saisie des nègres (V., à ce sujet, liv. II, ch. v, § 2).

Devant les prétentions exorbitantes de la Compagnie, les colons essaient de se pourvoir eux-mêmes d’esclaves. Le gouverneur de la Martinique a autorisé deux navires à aller en chercher à la côte d’Afrique[4]. Mais le roi n’approuve pas « cet abus[5] ». De ce fait se trouvent arrêtées plusieurs expéditions projetées alors au Cap pour la côte de Juda. Les

  1. Dernis, op. cit., p. 400.
  2. Arch. Col., B, 48, p. 364. Lettre à MM. de Feuquières et Blondel, 6 août 1726.
  3. Id., Ib., p. 372. Lettre du 3 septembre : « Les Directeurs se plaignent que, depuis plus de deux ans, ils n’en ont pu rien retirer, qu’elle a 4 navires et un bateau depuis 9 mois à la Martinique, sans que dans un aussi long séjour on y eût encore embarqué une barrique de sucre. »
  4. Arch. Col., F, 61 Lettre au Ministre, 13 novembre 1727.
  5. Moreau de Saint-Méry, III, 243. Lettre du 24 février 1728 à MM. de la Roche-Allard et Duclos, gouverneur et intendant des îles. Cf. aussi lettre du 19 juillet 1729 à MM. de Champigny et d’Orgeville. Arch. Col., B, 53, p. 285.