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Compagnie[1]. Nous n’avons, il est vrai, trouvé ni la réponse, ni aucun renseignement relatif aux mesures prises pour trancher la question. Mais, si nous nous en rapportons aux théories que professait la métropole à l’égard de ses colonies, il est plus que probable que la permission ne fut encore pas accordée.

Or, voici les aveux que fait le Ministre lui-même sur l’insuffisance de la traite française[2]. Dans une lettre à M. de Clieu, du 17 octobre 1742[3], il parle du « dégoût » des armateurs pour ce genre de commerce ; ils le rejettent, dit-il, sur les difficultés qu’ils prétendent avoir éprouvées à la fois pour leur traite et pour leurs recouvrements. Et, le 6 décembre suivant[4], il écrit encore à MM. de Champigny et de la Croix : « Je sens de plus en plus combien il est nécessaire de chercher des arrangements qui puissent surmonter le dégoût que la Compagnie des Indes et les négociants ont pris pour cette branche du commerce des îles. »

Le manque de nègres donnait parfois lieu à un trafic spécial : certains marchands allaient en acheter dans les îles étrangères pour les revendre dans les îles françaises. Aussi, dès le 12 décembre 1739, une ordonnance royale[5] avait-elle interdit le transport des nègres entre les Îles-du-Vent et Saint-Domingue, sauf pour les navires négriers de France, lesquels auront la liberté, lorsqu’ils ne vendront point leurs nègres aux Îles-du-Vent, de les porter à Saint-Domingue. » Par une

  1. Arch. Col., F, 256, p. 803. Lettre à M. de Folvy, 1er juillet 1739.
  2. Il est impossible de citer tous les documents relatifs à la question ; ils se répètent sans cesse sur la nécessité d’empêcher la traite étrangère et de ranimer la traite française. Parmi les lettres les plus caractéristiques, nous indiquerons : Arch, Col., B, 68, Îles-sous-le-Vent, p. 82, celle du 1er novembre 1739, à MM. de Larnage et Maillart, où il est parlé de diverses fraudes ; — B, 71, Îles-du-Vent, p. 11, 25 janvier 1740, à MM. de Champigny et de la Croix ; Ib., p 13, à M. de Clieu, 13 mars 1740 ; — B, 74, p. 18, 8 mars 1742, à Champigny et de la Croix.
  3. Arch. Col., B, 74, Îles-du-Vent, p. 135. — Cependant, en cette même année 1742, 15 négriers apportent 4.223 noirs à la Martinique. F, 134, p. 23.
  4. Arch. Col., B, 74, p. 162.
  5. Moreau de Saint-Méry, III, 581.