Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tieuses devront remplir pour amener des nègres dans les îles habituées du Gouvernement ; on ne permet qu’un domestique, qui devra être ramené si le maître quitte l’île. Le 10 mars 1758[1], le Ministre fait savoir au gouverneur de la Martinique qu’il s’occupe d’engager le commerce français à porter des nègres aux îles, « malgré la difficulté des circonstances », que l’on comprend suffisamment d’après la date. Mais il persiste à lui défendre l’introduction des nègres « en commerce étranger[2] ». C’était encore Cayenne qui en manquait le plus. L’ordonnateur Lemoyne, dont la correspondance atteste l’intelligente activité, ne cesse de réclamer des esclaves ; mais il ajoute qu’il faudrait aussi de l’argent. Sans ces deux moyens, impossible de tirer parti des ressources naturelles de la colonie. En ce qui concerne les nègres, il fait une proposition nouvelle : c’est de les tirer de Tripoli de Barbarie[3]. D’après les renseignements qu’il tient d’un capitaine de Marseille, ils ne coûtent là-bas qu’entre 15 et 30 piastres courantes ; or, en un seul jour de marché, on peut compléter une cargaison de quatre à cinq cents noirs et les vivres nécessaires pour la traversée la plus longue, à très peu de frais. Ainsi, un armateur pourrait faire des bénéfices considérables en donnant les nègres de premier choix pour 4 et 500 livres, payables à Marseille. « Il peut y avoir des difficultés par rapport à la Compagnie des Indes, mais la Compagnie, retirant son droit en donnant la permission, se ferait pour ainsi dire un comptoir de plus. Le commerce n’en souffrirait point, puisqu’il n’envoie jamais à la côte pour Cayenne et qu’il ne fait point sa traite en cet endroit. — Les Marseillais font souvent ce commerce pour le Levant. Ils vont à Tripoli prendre des cargaisons pour les porter à Constantinople ou dans les Échelles. Un Turc fait tout pour de l’argent. Il suffit qu’un

  1. Arch. Col., F, 259, p. 287.
  2. Arch. Col., B, 107, p. 23, Lettre de M. de Beauharnais, même jour. Il fait observer que la plupart des nègres venant de l’étranger sont mauvais, atteints de maladies incurables ou de caractère difficile.
  3. Arch. Col., F, 22. Lettre du 1er août 1758.