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autour du monde.

sants dans un pays où tout est si cher : aussi ces infortunés ne tardèrent-ils pas à tomber dans la plus profonde misère. Le consul de Hambourg à Lima, M. Rodewald, plaida leur cause avec chaleur, intervint auprès du gouvernement péruvien, demanda des secours en Allemagne, fit des collectes, et les soutint de son mieux de ses propres ressources. Néanmoins, la plupart de ces colons périrent, laissant des veuves inconsolables, et des enfants qui supportèrent naturellement mieux le climat, puisqu’ils ne s’occupaient pas, ou du moins très peu, de la culture des champs. C’est une chose impardonnable à un gouvernement d’user de ruse et de mensonge pour engager des familles à émigrer, et de les livrer ensuite impitoyablement à leur cruelle destinée. Que ne puis-je faire entendre ma voix à tous les émigrants ! Avant de se décider à une démarche aussi importante, je leur conseillerais de se procurer d’abord des renseignements exacts et positifs sur le pays, le climat et les ressources qui leur sont offertes, et de ne pas se fier aveuglément aux trop brillantes promesses que leur font des agents cupides et sans conscience. Une fois le pauvre homme arraché à sa patrie, il ne lui est plus facile de trouver les moyens d’y retourner, et il reste attaché au sol où son malheureux destin l’a jeté. La faute en est souvent aussi aux colons. Beaucoup s’imaginent, en allant au Nouveau-Monde, que, comme dit le proverbe, les alouettes vont leur tomber toutes rôties dans la bouche. Trompés dans leur espérance, ils tombent dans la tristesse et l’abattement. Cependant le colon devrait, du moins dans les premières années, s’attendre à plus de travaux, de fatigues et de peines que dans son pays natal. Mais les hommes sont ainsi faits : ils ne savent jamais se modérer dans leurs désirs et leurs prétentions. J’ai vu, chez plus d’un colon émigré et établi depuis peu, la table couverte de belle viande, de beaux légumes, de bon pain, la cafetière et la théière deux fois par jour sur le feu ; et