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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/41

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que de l’autre on portait à grand’peine les morceaux à sa bouche. Pendant la nuit, je fus obligée de m’envelopper, de m’empaqueter dans mon manteau et dans mes autres vêtements pour préserver mon corps des meurtrissures.

Le matin du 13, j’étais montée sur le pont avec le jour ; le pilote me conduisit près du parapet, et m’invita à pencher la tête en dehors et à aspirer l’air : j’aspirai la plus délicieuse odeur de fleurs. Surprise, je regardai tout autour de moi, m’attendant à apercevoir la terre ; mais elle était encore bien loin, et ce n’était que la tempête qui nous avait apporté ce délicieux parfum. Ce qu’il y avait d’extraordinaire, c’est qu’il n’y avait pas la moindre trace de cette odeur dans l’intérieur du vaisseau.

La mer elle-même était couverte de nombreux cadavres de pauvres papillons et de phalènes que l’ouragan avait entraînés dans la mer. Sur un des câbles du vaisseau reposaient deux charmants petits oiseaux encore épuisés de leur longue course.

Pour nous, qui, pendant deux mois et demi, n’avions vu que le ciel et l’eau, tous ces phénomènes étaient très-intéressants, et nous soupirions ardemment après le cap Frio, dont nous n’étions plus bien loin. Mais l’horizon s’était couvert de brume, et le soleil n’avait pas la force de percer le voile de nuages qui le cachait à nos yeux. Nous comptions sur le lendemain ; mais il éclata pendant la nuit une nouvelle tempête qui dura jusqu’à deux heures du matin. Le vaisseau dut se réfugier au loin en pleine mer, et nous nous trouvâmes encore heureux de regagner ce jour-là la longitude et la latitude que nous occupions la veille au soir.

Aujourd’hui encore, 14 septembre, le soleil ne réussit que rarement à percer les sombres nuages ; il fit si froid que le thermomètre ne montait qu’à 14 degrés. Dans l’après-midi nous eûmes le bonheur d’apercevoir les contours du cap Frio (éloigné de 60 milles de Rio-de-Janeiro),