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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/68

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ils veulent les fréter, et ils prennent à leurs pauvres victimes les derniers restes de leur, petit avoir.

Pendant mon séjour ici, il arriva quelques vaisseaux chargés de ces malheureux émigrants, que le gouvernement n’avait pas appelés et auxquels il ne donna aucun secours. Ils n’avaient pas d’argent ; ils ne pouvaient pas acheter de terres, ni se présenter comme travailleurs dans des plantations : car personne ici ne prend à son service des Européens, que le travail tuerait bientôt sous un climat auquel ils ne sont pas habitués. Les infortunés ne savaient donc que résoudre et qu’espérer ; ils commencèrent par aller mendier de tous côtés dans la ville, et à la fin se résignèrent aux positions les plus misérables. Il en est autrement de ceux qui sont appelés par le gouvernement du Brésil pour cultiver le sol dans les colonies : ils reçoivent un lot de terrain boisé, des vivres et aussi d’autres secours ; mais, s’ils viennent sans argent, leur sort n’est guère plus digne d’envie : le besoin, la faim et la maladie emportent la plupart d’entre eux, et un petit nombre seulement arrivent, après des fatigues sans relâche, et grâce à une santé de fer, à se faire une existence meilleure que celle qu’ils avaient dans leur patrie. Les artisans seuls trouvent vite à s’établir et parviennent à une position aisée : mais cela aussi pourrait changer bientôt, car il arrive chaque année à Rio beaucoup d’artisans, et chaque jour les nègres deviennent plus habiles dans les métiers de toute sorte.

Avant de quitter sa patrie, on devait chercher à s’éclairer, réfléchir longtemps et mûrement, et ne pas se laisser entraîner par des espérances trompeuses. La déception est d’autant plus terrible qu’elle arrive quand on ne peut plus remédier au mal, et que le malheureux succombe au besoin et à la misère.