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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/92

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plement à prolonger un voyage qui ne lui rapportait pas mal d’argent, puisqu’il recevait chaque jour 4 milreis, sans compter sa nourriture et celle des deux mulets.

Nous passâmes donc la nuit chez M. Molass, dans une venda isolée, au milieu d’une forêt épaisse.

Pendant tout le jour, nous avions beaucoup souffert de la chaleur. Le thermomètre marquait au soleil 39 degrés.

Ce qui doit surprendre le plus un étranger dans la vie des colons et des habitants du Brésil, c’est le contraste assez étrange qu’offrent, d’une part la crainte, et de l’autre le courage. Ainsi, chaque personne qu’on rencontre dans la rue est armée de pistolets et de longs couteaux, comme si le pays était infesté de brigands et d’assassins. Mais les possesseurs de plantations demeurent, sans rien appréhender, au milieu d’une masse d’esclaves, et le voyageur passe la nuit sans crainte, au milieu de bois impénétrables, dans des vendas isolées qui n’ont ni barreaux aux fenêtres, ni portes solides et munies de serrures. Le logement des propriétaires se trouve en outre, à une grande distance des pièces destinées aux étrangers ; quant aux gens de la maison, tous esclaves, on ne pourrait guère attendre d’eux quelque secours, car ils demeurent dans quelque coin de l’écurie ou de la grange.

Dans les premiers temps, j’avais peur de passer la nuit seule dans une chambre mal fermée, entourée d’une forêt sombre et sauvage, éloignée de tout secours ; mais, comme on m’assura partout que l’attaque d’une maison était une chose inouïe, je congédiai la crainte comme une compagne inutile, et je dormis depuis parfaitement tranquille, sans que rien vînt troubler mon repos.

En Europe, je ne connais que peu de pays où je voudrais traverser des forêts épaisses en compagnie d’un seul guide, et rester la nuit dans des maisonnettes aussi sombres et aussi isolées.