Page:Phèdre - Fables, trad. Panckoucke, 1864.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LIVRE I. 5

usurpa le pouvoir et la citadelle. Les Athéniens déploraient leur triste esclavage, non que Pisistrate fût cruel, mais parce qu’un joug auquel on n’est pas accoutumé parait toujours pesant. Comme ils se plaignaient, Ésope leur raconta cette fable :

Les Grenouilles, errant en liberté dans leurs marais, prièrent à grands cris Jupiter de leur envoyer un roi dont l’énergie réprimât leurs mœurs déréglées. Le père des dieux se mit à rire, et leur jeta un soliveau qui, en tombant tout à coup et bruyamment dans leur étang, épouvanta tout ce peuple timide. Comme il restait longtemps enfoncé dans la vase, une Grenouille lève doucement la tête hors de l’eau, examine le monarque, puis appelle ses compagnes. Bientôt elles déposent toute crainte ; et toutes de nager à l’envi, et la troupe peu respectueuse de sauter sur le bois immobile. Après l’avoir souillé par tous les outrages, elles députèrent vers Jupin, pour lui demander un autre roi, puisque celui qu’il leur avait donné était inutile. Il leur envoya une hydre, qui, d’une dent cruelle, les dévora les unes après les autres. C’est en vain qu’elles cherchent à se soustraire à la mort ; elles sont sans force,