Aller au contenu

Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parole. Jean connaissait au contraire les brusques départs sur un sentiment soudain et partait sans regarder ce qu’il traînait à sa suite. Il dit :

— Moi, je suis seul. Il y a quelque part dans Paris une chambre, qui est la mienne. Je ne vous la dépeindrai pas. Deux portraits sont au mur : celui de Dante et celui de Michel-Ange. Je sais qu’aucun homme n’a dépassé ces deux-là, qu’aussi loin qu’aille ma destinée, elle trouvera auprès d’eux sa borne, et que, plus loin que le malheur, ils me barrent la route encore. Je n’ai pas peur. L’un portait deux mâchoires fermées, l’autre ne connut dans la vie que des mamelles de pierre. Je puis marcher dans mon pays, connaissant mes frontières. J’ai lu qu’Attila mangeait dans des vases de bois et laissait aux officiers de son entourage les dorures et les dépouilles et j’ai compris qu’il fallait éliminer les apparences et ne demander au monde que la grandeur et l’essentiel. En ce temps-là, on était un guerrier. Aujourd’hui, c’est le temps de la vie. J’ai rompu mes attaches. C’est le temps des aban-