Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/38

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la poitrine serrée et, cueillant à poignées les fruits gonflés de l’arbre, les amassait sous son manteau, n’en parlait pas et les apportait le soir au couvent. Elle était silencieuse et barrée de fer comme la porte aux délices : « Tu ne dis rien, tu ne t’amuses pas », s’écriait parfois la tante. Elle lançait alors deux prunelles comme deux gouttes de miel que distille une abeille, comme la vie d’un jardin qu’on respecte derrière sa clôture.

Il y avait d’autres choses encore. Du pavé où les pieds des chevaux faisaient jaillir le bruit et l’étincelle jusqu’au ciel, que les vapeurs de la ville alanguissaient au printemps, les rues montaient et s’allongeaient comme des canaux creusés dans la lumière. La joie surgissait à quelque tournant, un souffle la poussait et, jusqu’à la fin du regard, on la voyait glisser, légère et balancée, semblable, au milieu de la voix des vagues, à un voilier de France qui porte aux peuples le vin des coteaux. Un désir naissait, que l’on découvrait dans la mer Pacifique, comme la Tahiti du monde, comme la danse et les feuillages, comme un sommet lançant l’écho d’un vallon. Un jeune homme