Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/39

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à cigare, un bouquet de violettes ornant un corsage, les chevaux des coupés qui savent danser, un fiacre même, accompagnaient leur promenade et prenaient en leurs pensées la force d’un exemple à l’appui d’un principe.

À six heures, André Couvert, qui avait servi dans l’infanterie de marine, buvait son absinthe. Ils entraient tous les trois dans un café, la petite pensionnaire, au milieu des consommateurs, la femme, habituée, assise à plein siège, et qui portait en public une raideur sans timidité. La fumée montait par nappes, s’étendait au-dessus de leurs têtes comme le ciel d’un autre Dieu et, moite, baignée de lumière, emplissait la salle, où le bruit de cent voix semblait la voix du lieu même, une grande âme sonore, par un démon brassée. Et l’enfant de quinze ans, buvant son sirop de grenadine, recueillait ces choses et buvait encore la vérité lourde et d’étrange sorte qui tombe au cœur des villes et qu’aucun homme ne peut voir sans en être troublé.