Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/51

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ménage, voyageait au delà, accueillait Marie et eût accueilli tout ce qui fût tombé. Les cent cinquante francs d’André Couvert ne pouvaient pas lui suffire. Elle chercha de l’ouvrage : elle avait découvert dans sa vie bien autre chose. Elle trouva une besogne assez bonne et, comme elle était débrouillarde jusque dans le détail, gagna ses quarante sous par jour. Elle piquait de la chenille dans les voilettes, la coupait avec des ciseaux fins et ne se trompait jamais de maille. Les deux femmes se frottaient l’une à l’autre, assez confiantes maintenant, et parlaient peu, laissant leurs pensées vagabonder dans l’enclos comme deux pouliches qui se donnent des coups d’œil et se fêtent d’une caresse au museau. Marie se trouvait au large dans un petit appartement de quatre pas. Elle n’en appréciait rien et se sentait à sa place, comme la fibre d’un muscle, comme la cellule d’un cœur qu’un mouvement supérieur entraîne en son battement. Parfois elle ouvrait la fenêtre, considérait l’avenue et recevait au visage le bruit de la ville comme un plain-chant du temps des cathédrales qui portait aux fidèles la vérité, la berçait et la mêlait à son harmonie.