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SES MAÎTRES

la demande qu’il en fit à son père, il se transporta avec son maître dans une ville voisine, à gées, où il devait trouver une tranquillité plus favorable aux études philosophiques, et des exemples meilleurs pour la jeunesse : de plus, il y avait là un temple d’Esculape, et Esculape lui-même s’y montrait aux hommes. Apollonius se trouva dans cette ville avec des platoniciens, des élèves de Chrysippe et des disciples du Portique ; il ne négligea même pas d’écouter les leçons des épicuriens ; mais il se sentit une préférence secrète pour les doctrines de Pythagore. Il n’eut, pour les lui enseigner, qu’un maître peu recommandable, et qui ne mettait guère en pratique sa philosophie : il s’était laissé vaincre par la gourmandise et par les plaisirs de l’amour, et il vivait à la mode d’Épicure. Il se nommait Euxène, et il était né à Héraclée, sur le Pont. Il savait les doctrines d’Épicure, comme les oiseaux ce qu’on leur apprend en effet, quand des oiseaux nous disent : « Bonjour. — Soyez heureux. — Que Jupiter vous soit propice ! etc., » ils ne savent nullement ce qu’ils disent, et ils ne forment pas les moindres souhaits pour nous ; ils ne font que remuer la langue d’une certaine manière. Mais, comme les aiglons, tant que leurs ailes ne sont encore couvertes que d’un tendre duvet, voltigent autour de leurs parents, qui leur apprennent à voler ; puis, dès qu’ils peuvent s’élever dans les airs, volent plus haut que leurs parents, surtout quand ils les voient raser la terre pour chercher de la pâture et rassasier leur voracité ; de même Apollonius, dans son enfance, suivit les leçons d’Euxène, et se laissa conduire par sa parole ; puis, arrivé à sa seizième année, il prit son essor vers la vie pythagoricienne : quelque divinité sans doute lui avait donné des ailes. Il n’en continua pas moins d’aimer Euxène, et ayant obtenu pour lui de son père, à l’entrée de la ville, une propriété qui renfermait des jardins déli-