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SA JEUNESSE.

VI. Il y a près de Tyane une source consacrée à Jupiter témoin des serments, et nommée Asbamée : à l’endroit où elle jaillit, elle est glacée, mais fait entendre le bruit de l’eau bouillant dans une chaudière. L’eau de cette source est bonne et salutaire à ceux dont les serments sont sincères ; quant aux parjures, le châtiment les atteint aussitôt : ils sont frappés à la fois aux yeux, aux mains et aux pieds ; ils sont pris d’hydropisie et de consomption ; ils ne peuvent même pas s’enfuir, une force invincible les enchaîne près de cette source, et là ils confessent en pleurant leur fourberie[1]. Les habitants de ce pays disent qu’Apollonius est fils de Jupiter, mais Apollonius se déclare fils d’Apollonius.

VII. Parvenu à l’âge où l’on commence à instruire les enfants, Apollonius donna des marques d’une grande mémoire et d’une grande ardeur pour l’étude. Il se servait en parlant du dialecte attique, et jamais le contact de l’idiome de son pays n’altéra la pureté de son langage. Il attirait tous les regards par sa beauté. Quand il eut atteint sa quatorzième année, son père le conduisit à Tarse, chez Euthydème le Phénicien, rhéteur célèbre alors, qui se chargea de son instruction. Apollonius s’attacha à son maître, mais les mœurs de la ville lui parurent déraisonnables et peu propres à l’étude de la philosophie. Nulle part, en effet, le goût de la volupté n’est plus général. Les habitants de Tarse sont railleurs et insolents ; ils tiennent plus à la parure que les Athéniens à la sagesse. Leur ville est traversée par le Cydnus, et ils se tiennent sans cesse sur les bords de ce fleuve, comme des oiseaux aquatiques. Aussi, Apollonius, dans une lettre qu’il leur adressa, leur dit-il : « N’aurez-vous jamais fini de vous enivrer de votre eau. » Sur

  1. Voyez les Éclaircissements historiques et critiques.