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Page:Philostrate - Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, 1862.djvu/91

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les mâles par amour pour leurs petits. Savez-vous ce qu’on dit des lionnes ? Elles se font aimer des léopards, et les reçoivent dans les couches des lions ; puis, quand elles sont sur le point de mettre bas, elles s’enfuient vers les montagnes et vers les demeures des léopards ; alors elles font des petits tachetés, et pour cette raison les cachent, et ne leur donnent la mamelle que dans les profondeurs les plus secrètes des bois, faisant semblant de s’absenter pour la chasse ; mais si les lions viennent à découvrir ces petits, ils les déchirent et les mettent à mort comme des bâtards. Vous devez vous rappeler, parmi les lions d’Homère, celui qui, à cause de ses petits, lance des regards terribles et ramasse ses forces pour le combat[1]. Et le tigre, cet animal si cruel ! voici ce qu’on dit de sa femelle dans cette contrée. Elle va sur le rivage de la mer Erythrée, et presque jusqu’au bord des vaisseaux pour redemander ses petits : si on ce les lui rend, elle se retire pleine de joie ; si on les emporte, elle pousse des gémissements sur le rivage, et quelquefois y expire. Qui ne connaît l’instinct des oiseaux ? Les aigles et les cigognes ne font jamais leurs nids sans y mettre d’abord les uns de la pierre d’aigle[2], les autres de la pierre lychnite, pour rendre leurs œufs féconds, et ce pour écarter les serpents. Jetons les yeux sur les poissons. Nous ne nous étonnerons pas de voir les dauphins très-attachés à leurs petits, car ils sont naturellement bons. Mais les baleines, les phoques, et tous les poissons qui mettent au monde des petits vivants, ne nous étonneront-ils pas davantage ? Que dire, par exemple, de la femelle d’un phoque, que j’ai vue à Égées, et qu’on gardait pour la pêche ? elle fut si affligée de la mort d’un petit qu’elle avait mis bas dans sa prison, que, bien qu’apparte-

  1. Voyez l’Iliade, liv. XVII, v. 133 et suiv,
  2. Voyez Pline, Histoire naturelle, XXXVII, 1.