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spectacles, le jeu et autres passe-temps semblables.

Pendant qu’on les abomine, ainsi que ceux qui les mettent en pratique, la gourmandise se présente et se glisse avec une face tout à fait théologique.

De droit divin, l’homme est le roi de la nature, et tout ce que la terre produit a été créé pour lui. C’est pour lui que la caille s’engraisse, pour lui que le moka a un si doux parfum, pour lui que le sucre est favorable à la santé.

Comment donc ne pas user, du moins avec la modération convenable, des biens que la Providence nous offre, surtout si nous continuons à les regarder comme des choses périssables, surtout si elles exaltent notre reconnaissance envers l’auteur de toutes choses !

Des raisons non moins fortes viennent encore renforcer celles-ci. Peut-on trop bien recevoir ceux qui dirigent nos âmes et nous tiennent dans la voie du salut ? Ne doit-on pas rendre aimables, et par cela même plus fréquentes, des réunions dont le but est excellent ?

Quelquefois aussi les dons de Comus arrivent sans qu’on les cherche : c’est un souvenir de collége, c’est le don d’une vieille amitié, c’est un pénitent qui s’humilie, c’est un collatéral qui se rappelle, c’est un protégé qui se reconnaît. Comment repousser de pareilles offrandes ? comment ne pas les assortir ? C’est une pure nécessité.

D’ailleurs les choses se sont toujours passées ainsi :

Les moutiers étaient de vrais magasins des plus adorables friandises ; et voilà pourquoi certains amateurs les regrettent si amèrement [1].

  1. Les meilleures liqueurs de France se faisaient à la Côte, chez les Visitandines ; celles de Niort ont inventé la confiture d’angélique ; on vante les pains de fleur d’oranger des sœurs de Château-Thierry ; et les Ursulines de Belley avaient pour les noix confites une recette qui en faisait un trésor d’amour et de friandise. Il est à craindre, hélas ! qu’elle ne soit perdue.