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APHORISMES

que par le titre ne croient que je ne m’occupe que de fariboles.

l’ami. — Terreur panique ! trente-six ans de travaux publics et continus ne sont-ils pas là pour vous établir une réputation contraire ? D’ailleurs, ma femme et moi nous croyons que tout le monde voudra vous lire.

l’auteur. — Vraiment ?

l’ami. — Les savants vous liront pour deviner et apprendre ce que vous n’avez fait qu’indiquer.

l’auteur. — Cela pourrait bien être.

l’ami. — Les femmes vous liront, parce qu’elles verront bien que…

l’auteur. — Cher ami, je suis vieux, je suis tombé dans la sagesse : Miserere mei.

l’ami. — Les gourmands vous liront, parce que vous leur rendez justice et que vous leur assignez enfin le rang qui leur convient dans la société.

l’auteur. — Pour cette fois, tu dis vrai : il est inconcevable qu’ils aient été si longtemps méconnus, ces chers gourmands ! j’ai pour eux des entrailles de père ; ils sont si gentils ! ils ont les yeux si brillants !

l’ami. — D’ailleurs, ne nous avez-vous pas dit souvent que votre ouvrage manquait à nos bibliothèques ?

l’auteur. — Je l’ai dit, le fait est vrai, et je me ferais étrangler plutôt que d’en démordre.

l’ami. — Mais vous parlez en homme tout à fait persuadé, et vous allez venir avec moi chez…

l’auteur. — Oh ! que non ! si le métier d’auteur a ses douceurs, il a aussi bien ses épines, et je lègue tout cela à mes héritiers.