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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/197

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Le déjeuner bien fini, je proposai à mes convives de prendre un peu d’exercice, et pour cela de faire le tour de mon appartement, appartement qui est loin d’être élégant, mais qui est vaste, confortable, et où mes amis se trouvaient d’autant mieux que les plafonds et les dorures datent du milieu du règne de Louis XV.

je leur montrai l’argile originale du buste de ma jolie cousine Mme Récamier par Chinard, et son portrait en miniature par Augustin ; ils en furent si ravis, que le docteur, avec ses grosses lèvres, baisa le portrait, et que le capitaine se permit sur le buste une licence pour laquelle je le battis ; car si tous les admirateurs de l’original venaient en faire autant, ce sein si voluptueusement contourné serait bientôt dans le même état que l’orteil de saint Pierre de Rome, que les pèlerins ont raccourci à force de le baiser.

Je leur montrai ensuite quelques plâtres des meilleurs sculpteurs antiques, des peintures qui ne sont pas sans mérite, mes fusils, mes instruments de musique et quelques belles éditions tant françaises qu’étrangères.

Dans ce voyage polymathique, ils n’oublièrent pas ma cuisine. Je leur fis voir mon pot-au-feu économique, ma coquille à rôtir, mon tournebroche à pendule, et mon vaporisateur. Ils examinèrent tout avec une curiosité minutieuse, et s’étonnèrent d’autant plus, que chez eux tout se faisait encore comme du temps de la régence.

Au moment où nous rentrâmes dans mon salon, deux heures sonnèrent. « Peste ! dit le docteur, voilà l’heure du dîner, et ma sœur Jeannette nous attend ! Il faut aller la rejoindre. Ce n’est pas que je sente une grande envie de manger, mais il me faut mon potage. C’est une si vieille habitude, que quand je