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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/198

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passe une journée sans en prendre, je dis comme Titus : Diem perdidi. — Cher docteur, lui répondis-je, pourquoi aller si loin pour trouver ce que vous avez sous la main ? Je vais envoyer quelqu’un à la cousine, pour la prévenir que vous restez avec moi, et que vous me faites le plaisir d’accepter un dîner pour lequel vous aurez quelque indulgence, parce qu’il n’aura pas tout le mérite d’un impromptu fait à loisir. »

Il y eut, à ce sujet, entre les deux frères, délibération oculaire, et ensuite consentement formel. Alors j’expédiai un volante pour le faubourg Saint-Germain ; je dis un mot à mon maître-queux ; et, après un intervalle de temps tout à fait modéré, et partie avec ses ressources, partie avec celles des restaurateurs voisins, il nous servit un petit dîner bien retroussé et tout à fait appétissant.

Ce fut pour moi une grande satisfaction que de voir le sang-froid et l’aplomb avec lequel mes deux amis s’assirent, s’approchèrent de la table, étalèrent leurs serviettes, et se préparèrent à agir.

Ils éprouvèrent deux surprises auxquelles je n’avais pas moi-même pensé ; car je leur fis servir du parmesan avec le potage, et leur offris après un verre de madère sec. C’étaient deux nouveautés importées depuis peu par M. le prince de Talleyrand, le premier de nos diplomates, à qui nous devons tant de mots fins, spirituels, profonds, et que l’attention publique a toujours suivi avec un intérêt distinct, soit dans sa puissance, soit dans sa retraite.

Le dîner se passa très-bien, tant dans sa partie substantielle que dans ses accessoires obligés, et mes amis y mirent autant de complaisance que de gaieté.

Après le dîner, je proposai un piquet, qui fut refusé ;