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s’en tira, mais non sans perte, car il laissa derrière lui à peu près toutes les facultés intellectuelles, et surtout la mémoire. Cependant, comme il se traînait encore tant bien que mal, et qu’il avait repris l’appétit, il avait conservé l’administration de ses biens.

Quand on le vit dans cet état, ceux qui avaient eu des affaires avec lui crurent que le temps était venu de prendre leur revanche ; et, sous prétexte de venir lui tenir compagnie, on venait de toutes parts lui proposer des marchés, des achats, des ventes, des échanges, et autres de cette espèce qui avaient été jusque-là l’objet de son commerce habituel. Mais les assaillants se trouvèrent bien surpris, et sentirent bientôt qu’il fallait décompter.

Le madré vieillard n’avait rien perdu de ses puissances commerciales, et le même homme qui quelquefois ne connaissait pas ses domestiques et oubliait jusqu’à son nom, était toujours au courant du prix de toutes les denrées, ainsi que de la valeur de tout arpent de prés, de vignes ou de bois à trois lieues à la ronde.

Sous ces divers rapports, son jugement était resté intact ; et comme on s’en défait moins, la plupart de ceux qui tâtèrent le marchand invalide furent pris aux piéges qu’eux-mêmes avaient préparés pour lui.

deuxième observation.

Il existait à Belley un M. Chirol, qui avait servi longtemps dans les gardes du corps, tant sous Louis XV que sous Louis XVI.

Son intelligence était tout juste à la hauteur du service qu’il avait eu à faire toute sa vie : mais il avait au suprême degré l’esprit des jeux, de sorte que, non-