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quence que les limites du plaisir ne sont encore ni connues ni posées, et qu’on ne sait pas jusqu’à quel point notre corps peut être béatifié. J’ai espéré que dans quelques siècles la physiologie à venir s’emparera de ces sensations extraordinaires, les procurera à volonté comme on provoque le sommeil par l’opium, et que nos arrière-neveux auront par là des compensations pour les douleurs atroces auxquelles nous sommes quelquefois soumis.

La proposition que je viens d’énoncer a quelque appui dans l’analogie ; car j’ai déjà remarqué que le pouvoir de l’harmonie, qui procure des jouissances si vives, si pures et si avidement recherchées, était totalement inconnu aux Romains : c’est une découverte qui n’a pas plus de cinq cents ans d’antiquité.

troisième observation.

93. — En l’an viii (1800), m’étant couché sans aucun antécédent remarquable, je me réveillai vers une heure du matin, temps ordinaire de mon premier sommeil ; je me trouvai dans un état d’excitation cérébrale tout à fait extraordinaire ; mes conceptions étaient vives, mes pensées profondes : la sphère de mon intelligence me paraissait agrandie. J’étais levé sur mon séant et mes yeux étaient affectés de la sensation d’une lumière pâle, vaporeuse, indéterminée, et qui ne servait en aucune manière à faire distinguer les objets.

À ne consulter que la foule des idées qui se succédèrent rapidement, j’aurais pu croire que cette situation eût duré plusieurs heures ; mais, d’après ma pendule, je suis certain qu’elle ne dura qu’un peu plus d’une demi-heure. J’en fus tiré par un incident extérieur et indépendant de ma volonté : je fus rappelé aux choses de la terre.