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102. — Une dernière cause d’obésité consiste dans l’excès du boire et du manger.

On a eu raison de dire qu’un des priviléges de l’espèce humaine est de manger sans avoir faim et de boire sans avoir soif ; et, en effet, il ne peut appartenir aux bêtes, car il naît de la réflexion sur le plaisir de la table et du désir d’en prolonger la durée.

On a trouvé ce double penchant partout où l’on a trouvé des hommes ; et on sait que les sauvages mangent avec excès et s’enivrent jusqu’à l’abrutissement toutes les fois qu’ils en trouvent l’occasion.

Quant à nous, citoyens des deux mondes, qui croyons être à l’apogée de la civilisation, il est certain que nous mangeons trop.

Je ne dis pas cela pour le petit nombre de ceux qui, serrés par l’avarice ou l’impuissance, vivent seuls et à l’écart : les premiers, réjouis de sentir qu’ils amassent ; les autres, gémissant de ne pouvoir mieux faire : mais je le dis avec affirmation pour tous ceux qui, circulant autour de nous, sont tour à tour amphitryons ou convives, offrent avec politesse ou acceptent avec complaisance ; qui, n’ayant déjà plus de besoins, mangent d’un mets parce qu’il est attrayant, et boivent d’un vin parce qu’il est étranger ; je le dis, soit qu’ils siégent chaque jour dans un salon, soit qu’ils fêtent seulement le dimanche et quelquefois le lundi : dans chaque majorité immense, tous mangent et boivent trop, et des poids énormes en comestibles sont chaque jour absorbés sans besoin.

Cette cause, presque toujours présente, agit différemment suivant la constitution des individus ; et pour ceux