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C’est alors que je vis avec un plaisir inexprimable les têtes les plus savantes de la capitale se courber sous mon irroration, et je me pâmais l’aise en remarquant que les plus mouillés étaient aussi les plus heureux.

En songeant quelquefois aux graves élucubrations auxquelles la latitude de mon sujet m’a entraîné, j’ai eu sincèrement la crainte d’avoir pu ennuyer ; car, moi aussi, j’ai quelquefois bâillé sur les ouvrages d’autrui.

J’ai fait tout ce qui a été en mon pouvoir pour échapper à ce reproche : je n’ai fait qu’effleurer tous les sujets qui ont pu s’y prêter : j’ai semé mon ouvrage d’anecdotes, dont quelques-unes ne sont personnelles ; j’ai laissé à l’écart un grand nombre de faits extraordinaires et singuliers, qu’une saine critique doit faire rejeter ; j’ai réveillé l’attention en rendant claires et populaires certaines connaissances que les savants semblaient s’être réservées. Si, malgré tant d’efforts, je n’ai pas présenté à mes lecteurs de la science facile à digérer, je n’en dormirai pas moins sur les deux oreilles, bien certain que la majorité m’absoudra sur l’intention.

On pourrait bien me reprocher encore que je laisse quelquefois trop courir ma plume, et que, quand je conte, je tombe un peu dans la garrulité, Est-ce ma faute à moi si je suis vieux ? Est-ce ma faute si je suis comme Ulysse qui avait vu les mœurs et les villes de beaucoup de peuples ? Suis-je donc blâmable de faire un peu de ma biographie ? Enfin, il faut que le lecteur me tienne compte de ce que je lui fais grâce de mes Mémoi-