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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/278

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modes que j’adoptai pour me hâter ; car, en pareil cas, quelques heures de retard peuvent donner lieu à des accidents irréparables.

Je revins bientôt armé de ma potion, et déjà je trouvai du mieux ; la couleur reparaissait aux joues, l’œil était détendu ; mais la lèvre pendait toujours avec une effrayante difformité.

Le médecin ne tarda pas à reparaître ; je l’instruisis de ce que j’avais fait et le malade fit ses aveux. Son front doctoral prit d’abord un aspect sévère ; mais bientôt, nous regardant avec un air où il y avait un peu d’ironie : « Vous ne devez pas être étonné, dit-il à mon ami, que je n’aie pas deviné une maladie qui ne convient ni à votre âge ni à votre état, et il y a de votre part trop de modestie à en cacher la cause, qui ne pouvait que vous faire honneur. J’ai encore à vous gronder de ce que vous m’avez exposé à une erreur qui aurait pu vous être funeste. Au surplus, mon confrère, ajouta-t-il en me faisant un salut que je lui rendis avec usure, vous a indiqué la bonne route ; prenez son potage, quel que soit le nom qu’il y donne, et si la fièvre vous quitte, comme je le crois, déjeunez demain avec une tasse de chocolat dans laquelle vous ferez délayer deux jaunes d’œufs frais. »

À ces mots il prit sa canne, son chapeau, et nous quitta, nous laissant fort tentés de nous égayer à ses dépens.

Bientôt je fis prendre à mon malade une forte tasse de mon élixir de vie ; il le but avec avidité et voulait redoubler : mais j’exigeai un ajournement de deux heures et lui servis une seconde dose avant de me retirer.

Le lendemain il était sans fièvre et presque bien