Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je m’enquis avec intérêt de la cause de ce changement subit ; il hésita, je le pressai, et après quelque résistance : « Mon ami, dit-il en rougissant, tu sais que ma femme est jalouse, et que cette manie m’a fait passer bien des mauvais moments. Depuis quelques jours il lui en a pris une crise effroyable, et c’est en voulant lui prouver qu’elle n’a rien perdu de mon affection et qu’il ne se fait à son préjudice aucune dérivation du tribut conjugal, que je me suis mis en cet état. — Tu as donc oublié, lui dis-je, et que tu as quarante-cinq ans, et que la jalousie est un mal sans remède ? Ne sais-tu pas furens quid femina possit ? » Je tins encore quelques autres propos peu galants, car j’étais en colère.

« Voyons, au surplus, continuai-je : ton pouls est petit, dur, concentré ; que vas-tu faire ? — Le docteur, me dit-il, sort d’ici ; il a pensé que j’avais une fièvre nerveuse, et a ordonné une saignée pour laquelle il doit incessamment m’envoyer le chirurgien. — Le chirurgien ! m’écriai-je, garde-t’en bien, ou tu es mort ; classe-le comme un meurtrier, et dis-lui que je me suis emparé de toi, corps et âme. Au surplus, ton médecin connaît-il la cause occasionnelle de ton mal ? — Hélas ! non, une mauvaise honte m’a empêché de lui faire une confession entière. — Eh bien, il faut le prier de passer chez toi. Je vais te faire une potion appropriée à ton état ; en attendant, prends ceci. » Je lui présentai un verre d’eau saturée de sucre, qu’il avala avec la confiance d’Alexandre et la foi du charbonnier.

Alors je le quittai et courus chez moi pour y mixtionner, fonctionner et élaborer un magister réparateur qu’on trouvera dans les Variétés[1], avec les divers

  1. Voyez à la fin du volume, n° 10.