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fit infuser des fleurs, des aromates, des drogues de diverses espèces, et les préparations que les auteurs contemporains nous ont transmises sous le nom de condita, devaient brûler la bouche et violemment irriter l’estomac.

C’est ainsi que déjà, à cette époque, les Romains rêvaient l’alcool, qui n’a été découvert qu’après plus de quinze siècles.

Mais c’est surtout vers les accessoires des repas que ce luxe gigantesque se portait avec plus de ferveur.

Tous les meubles nécessaires pour les festins furent faits avec recherche, soit pour la matière, soit pour la main-d’œuvre. Le nombre des services augmenta graduellement jusques et passé vingt, et à chaque service on enlevait tout ce qui avait été employé aux services précédents.

Des esclaves étaient spécialement attachés à chaque fonction conviviale, et ces fonctions étaient minutieusement distinguées. Les parfums les plus précieux embaumaient la salle du festin. Des espèces de hérauts proclamaient le mérite des mets dignes d’une attention spéciale ; ils annonçaient les titres qu’ils avaient à cette espèce d’ovation ; enfin on n’oubliait rien de ce qui pouvait aiguiser l’appétit, soutenir l’attention et prolonger les jouissances.

Ce luxe avait aussi ses aberrations et ses bizarreries. Tels étaient ces festins où les poissons et les oiseaux servis se comptaient par milliers, et ces mets qui n’avaient d’autre mérite que d’avoir coûté cher, tel que ce plat composé de la cervelle de cinq cents autruches, et cet autre où l’on voyait les langues de cinq mille oiseaux qui tous avaient parlé.

D’après ce qui précède, il me semble qu’on peut facilement se rendre compte des sommes considérables