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guerres intérieures qui ont si longtemps désolé la France.

Étant bien certain que les dames françaises se sont toujours plus ou moins mêlées de ce qui se faisait dans leur cuisine, on doit en conclure que c’est à leur intervention qu’est due la prééminence indisputable qu’a toujours eue en Europe la cuisine française, et qu’elle a principalement acquise par une quantité immense de préparations recherchées, légères et friandes, dont les femmes seules ont pu concevoir l’idée.

J’ai dit qu’on faisait bonne chère tant qu’on pouvait ; mais on ne pouvait pas toujours. Le souper de nos rois eux-mêmes était quelquefois abandonné au hasard. On sait qu’il ne fut pas toujours assuré pendant les troubles civils ; et Henri IV eût fait un soir un bien maigre repas, s’il n’eût eu le bon esprit d’admettre à sa table le bourgeois possesseur heureux de la seule dinde qui existât dans une ville où le roi devait passer la nuit.

Cependant la science avançait insensiblement : les chevaliers croisés la dotèrent de l’échalote arrachée aux plaines d’Ascalon ; le persil fut importé d’Italie ; et longtemps avant Louis IX, les charcutiers et saucissiers avaient fondé sur la manipulation du porc un espoir de fortune dont nous avons eu sous les yeux de mémorables exemples.

Les pâtissiers n’eurent pas moins de succès ; et les produits de leur industrie figuraient honorablement dans tous les festins. Dès avant Charles IX ils formaient une corporation considérable ; et ce prince leur donna des statuts où l’on remarque le privilége de fabriquer le pain à chanter messe.

Vers le milieu du dix-septième siècle, les Hollandais apportèrent le café en Europe[1]. Soliman Aga, ce Turc

  1. Parmi les Européens, les Hollandais furent les premiers qui tirèrent d’Arabie