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VIII
le piège.

Le chevalier de Langeac avait une assez belle fortune qui s’était écoulée par les exutoires obligés qui environnent tout homme qui est riche, jeune et beau garçon.

Il en avait rassemblé les débris, et au moyen d’une petite pension qu’il recevait du gouvernement, il avait à Lyon une existence agréable dans la meilleure société, car l’expérience lui avait donné de l’ordre.

Quoique toujours galant, il s’était cependant retiré de fait du service des dames ; il se plaisait encore à faire leur partie à tous les jeux de commerce, qu’il jouait également bien ; mais il défendait contre elles son argent, avec le sang-froid qui caractérise ceux qui ont renoncé à leurs bontés.

La gourmandise s’était enrichie de la perte de ses autres penchants ; on peut dire qu’il en faisait profession ; et comme il était d’ailleurs fort aimable, il recevait tant d’invitations qu’il ne pouvait y suffire.

Lyon est une ville de bonne chère ; sa position y fait abonder avec une égale facilité les vins de Bordeaux, ceux de l’Ermitage et ceux de Bourgogne ; le gibier des coteaux voisins est excellent ; on tire des lacs de Genève et du Bourget les meilleurs poissons du monde, et les amateurs se pâment à la vue des poulardes de Bresse, dont cette ville est l’entrepôt.

Le chevalier de Langeac avait donc sa place marquée aux meilleures tables de la ville ; mais celle où il se plaisait spécialement était celle de M. A***, banquier fort riche et amateur distingué. Le chevalier mettait cette préférence sur le compte de la liaison qu’ils avaient