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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/372

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Cependant le chevalier bouda plus longtemps qu’on n’aurait cru ; il fallut quelques prévenances pour l’apaiser ; enfin il revint avec les becfigues, et il n’y pensait plus à l’apparition des truffes.

IX
le turbot.

La Discorde avait tenté un jour de s’introduire dans le sein d’un des ménages les plus unis de la capitale. C’était justement un samedi, jour de sabbat ; il s’agissait d’un turbot à cuire ; c’était à la campagne, et cette campagne était Villecrêne.

Ce poisson, qu’on disait arraché à une destinée bien plus glorieuse, devait être servi le lendemain à une réunion de bonnes gens dont je faisais partie ; il était frais, dodu, brillant à satisfaction ; mais ses dimensions excédaient tellement tous les vases dont on pouvait disposer, qu’on ne savait comment le préparer.

« Eh bien, on le partagera en deux, disait le mari. — Oserais-tu bien déshonorer ainsi cette pauvre créature ? disait la femme. — Il le faut bien, ma chère, puisqu’il n’y a pas moyen de faire autrement. Allons, qu’on apporte le couperet, et bientôt ce sera chose faite. — Attendons encore, mon ami, on y sera toujours à temps ; tu sais bien d’ailleurs que le cousin va venir ; c’est un professeur, et il trouvera bien le moyen de nous tirer d’affaire. — Un professeur… nous tirer d’affaire… Bah !… » Et un rapport fidèle assure que celui qui parlait ainsi ne paraissait pas avoir grande confiance au professeur ; et cependant ce professeur c’était moi ! Schwernoth !

La difficulté allait probablement se terminer à la ma-