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méditation VI

reux, et qui convient également au convalescent et à l’homme qui de la plus robuste santé ; car quel est celui d’entre nous qui, condamné par la Faculté à la chère des Pères du désert, n’a pas souri à l’aile de poulet proprement coupée, qui lui annonçait qu’enfin il allait être rendu à la vie sociale ?

Nous ne nous sommes pas contentés des qualités que la nature avait données aux gallinacées ; l’art s’en est emparé, et sous prétexte de les améliorer il en a fait des martyrs. Non-seulement on les prive des moyens de se reproduire, mais on les tient dans la solitude, on les jette dans l’obscurité, on les force à manger, et on les amène ainsi à un embonpoint qui ne leur était pas destiné.

Il est vrai que cette graisse ultra-naturelle est aussi délicieuse, et que c’est au moyen de ces pratiques damnables qu’on leur donne cette finesse et cette succulence qui en font les délices de nos meilleures tables.

Ainsi améliorée, la volaille est pour la cuisine ce qu’est la toile pour les peintres, et pour les charlatans le chapeau de Fortunatus ; on nous la sert bouillie, rôtie, frite, chaude ou froide, entière ou par parties, avec ou sans sauce, désossée, écorchée, farcie, et toujours avec un égal succès.

Trois pays de l’ancienne France se disputent l’honneur de fournir les meilleures volailles, savoir : le pays de Caux, le Mans et la Bresse.

Relativement aux chapons, il y a du doute, et celui qu’on tient sous la fourchette doit paraître le meilleur : mais pour les poulardes, la préférence appartient à celles de Bresse, qu’on appelle poulardes fines, et qui sont rondes comme une pomme ; c’est grand dommage qu’elles soient rares à Paris, où elles n’arrivent que dans des bourriches votives.