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méditation VI

m’amusais à suivre toutes les périodes de la vie d’un chêne, depuis le moment où il sort de la terre avec deux feuilles, jusqu’à celui où il ne reste plus de lui qu’une longue trace noire, qui est la poussière de son cœur.

M. King me reprocha mes distractions, et nous nous mîmes à chasser. Nous tuâmes d’abord quelques-unes de ces jolies petites perdrix grises qui sont si rondes et si tendres. Nous abattîmes ensuite six ou sept écureuils gris, dont on fait grand cas dans ce pays ; enfin notre heureuse étoile nous amena au milieu d’une compagnie de coqs-d’Inde.

Ils partirent à peu d’intervalle les uns des autres, d’un vol bruyant, rapide et en faisant de grands cris. M. King tira le premier, et courut après : les autres étaient hors de portée ; enfin, le plus paresseux s’éleva à dix pas de moi ; je le tirai dans une clairière, et il tomba roide mort.

Il faut être chasseur pour concevoir l’extrême joie que me causa un si beau coup de fusil. J’empoignai le superbe volatile, et je le retournais en tout sens depuis un quart d’heure, quand j’entendis M. King qui criait à l’aide ; j’y courus, et je trouvai qu’il ne m’appelait que pour l’aider dans la recherche d’un dindon qu’il prétendait avoir tué, et qui n’en avait pas moins disparu.

Je mis mon chien sur la trace ; mais il nous conduisit dans des halliers si épais et si épineux qu’un serpent n’y aurait pas pénétré ; il fallut donc y renoncer ; ce qui mit mon camarade dans un accès d’humeur qui dura jusqu’au retour.

Le surplus de notre chasse ne mérite pas les honneurs de l’impression. Au retour, nous nous égarâmes dans ces bois indéfinis, et nous courions grand risque d’y