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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/91

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DES ALIMENTS.

passer la nuit, sans les voix argentines des demoiselles Bulow et la pédale de leur papa, qui avaient eu la bonté de venir au-devant de nous, et qui nous aidèrent à nous en tirer.

Les quatre sœurs s’étaient mises sous les armes : des robes très-fraiches, des ceintures neuves, de jolis chapeaux et une chaussure soignée annoncèrent qu’on avait fait quelques frais pour nous ; et j’eus, de mon côté, l’intention d’être aimable pour celle de ces demoiselles qui vint prendre mon bras, tout aussi propriétairement que si elle eût été ma femme.

En arrivant à la ferme, nous trouvâmes le souper servi ; mais, avant que d’en profiter, nous nous assîmes un instant auprès d’un feu vif et brillant qu’on avait allumé pour nous, quoique le temps n’eût pas indiqué cette précaution. Nous nous en trouvâmes très-bien, et fûmes délassés comme par enchantement.

Cette pratique venait sans doute des Indiens, qui ont toujours du feu dans leur case. Peut-être aussi est-ce une tradition de saint François de Sales, qui disait que le feu était bon douze mois de l’année. (Non liquet.)

Nous mangeâmes comme des affamés ; un ample bowl de punch vint nous aider à finir la soirée, et une conversation où notre hôte mit bien plus d’abandon que la veille nous conduisit assez avant la nuit.

Nous parlâmes de la guerre de l’indépendance, où M. Bulow avait servi comme officier supérieur ; de M. de La Fayette, qui grandit sans cesse dans le souvenir des Américains, qui ne le désignent que par sa qualité (the marquis) ; de l’agriculture, qui, en ce temps, enrichissait les États-Unis, et enfin de cette chère France, que j’aimais bien plus depuis que j’avais été forcé de la quitter.

Pour reposer la conversation, M. Bulow disait de