Page:Piétresson de Saint-Aubin - Promenade aux cimetières de Paris.djvu/132

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rendre aussi solides que le demanderait leur destination. Ils réservent apparemment toute leur habileté pour la construction des demeures des vivans, et cependant l’homme qui habitera ces dernières devra les quitter un jour, tandis que le défunt, placé sous la tombe érigée en son honneur, y restera renfermé une partie de l’éternité, jusqu’au jour solennel où tous les sépulcres s’ouvriront et rendront à la vie leur proie. Le tombeau de madame Barilli, élevé depuis seulement trois ans, et dont la matière est susceptible de prendre de la solidité, est déjà tout disjoint et menace ruine. Une foule de tombes offrent ainsi toutes les marques de la destruction, avec toutes les apparences d’une création récente. Il nous semble que l’administration, chargée de la police des cimetières, devrait prendre cette remarque en considération, et faire en sorte que ceux qui sacrifient des sommes souvent considérables au luxe des tombeaux, n’aient pas, au bout de quelques années, le désagrément de voir tomber en ruines ces monumens consacrés à l’orgueil ou à la douleur.

Déjà nous avons signalé plusieurs différences qui se trouvent entre le Champ du Repos et le cimetière du père La Chaise. Quand on a parcouru ce dernier avec quelque attention, on est bientôt frappé d’une nouvelle différence. Le Champ du Repos n’est pour ainsi dire peuplé que de jeunes gens morts dans un âge où l’espérance peut encore promettre de longues années ; de jeunes époux, des vierges enlevées à l’amour de leurs parens, ou des fils qui en faisaient le bonheur et la gloire, s’offrent à chaque pas à l’œil du spectateur. Au cimetière du père La Chaise, au contraire, il n’est point rare de rencontrer les tombes de pères ou de mères de famille morts dans un âge avancé, ou après avoir traversé les premières années qui suivent l’âge mûr et celles qui le séparent de la vieillesse. Les trépas prématurés ne s’y montrent qu’à de