Page:Piétresson de Saint-Aubin - Promenade aux cimetières de Paris.djvu/22

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ces tombeaux, connus sous le nom de Louis XII, François Ier, Richelieu, etc., et qui pourtant sont ceux que l’on peut citer avec quelque éloge. Aussi les artistes ont-ils déploré dans tous les temps cette manie d’ériger dans les temples ces sortes de monumens. Les poètes eux-mêmes se sont élevés contre cet usage, et nous avons, sur ce sujet, des vers de Delille, que nous nous empressons de citer.


Eh ! pourquoi donc cacher, barbares que nous sommes,
Loin de l’éclat du jour, les tombeaux des grands hommes ?
Oh ! que tels n’étaient point ces peuples d’autrefois,
Si rians dans leurs mœurs, si sages dans leurs lois :
En foule dispersés dans un beau paysage,
Les tombeaux d’un héros, d’un poète, d’un sage,
A l’œil religieux s’offraient à chaque pas ;
Le grand jour en chassait les ombres du trépas :
Mollement inclinés sur ces mânes célèbres,
Des arbres leur prêtaient leurs plus douces ténèbres ;
L’olivier, cher aux morts, symbole de la paix,
Les lauriers triomphans, mariés aux cyprès,
Ombrageaient les vertus, les arts ou la victoire.
On croyait parcourir les jardins de la gloire ;
Le deuil s’y dérobait sous l’éclat des honneurs,
Et leur noble aiguillon pénétrait dans les cœurs

Loin donc ces noirs réduits, loin ces dômes funèbres !
C’est vouloir du trépas redoubler les ténèbres ;
C’est d’un indigne exil flétrir les morts fameux.
Ah ! laissez, relégués dans leurs caveaux pompeux,
Sous le marbre imposteur qui flatte encor leurs ombres,
Tous ces rois fainéans, qui, sous ces voûtes sombres,
Ont changé de sommeil, et qu’a jetés le sort
Du néant de leur vie au néant de la mort.
Mais pourquoi m’y cacher les manes de Turenne ?
Leur cendre assez long-temps s’honora de la sienne…