Page:Picard - La case de la prière, légende acadienne pour Noël, 22 déc 1900.pdf/4

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Quelle insurmontable tristesse m’envahissait, il y a quelques jours ! Il est si dur de se sentir délaissé, abandonné, repoussé de tous parce qu’on est malheureux.

En vain les rafales précipitaient les tourbillons de neige dont les légers flocons dansaient si dru autour des grosses lumières électriques, qu’on eût dit voir ses grosses lumières à travers une épaisse toison ou une gigantesque bande de ouate. En vain la bise glaciale me cerclait le front d’un bandeau de fer, faisant jaillir de grosses larmes qui se figeaient au coin de mes paupières ; je marchais sans hâte, oppressé par une poignante douleur mêlée, me semble-t-il, de regrets…

Lorsque, à l’angle de la Place d’Armes et de la rue Notre-Dame, près de la librairie de MM. Granger, je heurtai violemment un des rares passants osant affronter la bourrasque à cette heure tardive.

Je veux m’excuser : j’aperçois, malgré le voile qui obscurcit ma vue, un vieillard tout droit encore, portant un chapeau à larges bords, à fond bas et plat. Une couverture aux multiples reprises est ramenée de l’épaule droite sur l’épaule gauche, un peu à la manière de la toge des Romains.