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LA NUIT DE L’ARCHANGE

— Tu dis fréquemment : « Dieu ».

— Et comme le Diable ne cesse pas de se manifester à moi, je pense qu’il doit être plus puissant ou plus hardi que Dieu puisqu’il nous est plus sensible. Quant à leur essence, à leurs rapports, j’avoue que je ne les conçois qu’en poésie. Mais personne ne peut me reprocher d’avoir, à la fois, l’ignorance et le ravissement des poètes, leur puérilité et leur intuition éblouissante, leurs yeux d’enfants et leur âme de devins.

Quand quelque douleur m’atteint, j’évoque Dieu. Quand quelque joie m’arrive, je remercie le Diable. Comme les poètes s’expriment volontiers en « imagerie », je te dirai que, pour moi, Dieu est le chêne, et le Diable l’ombre démesurée, ambiguë et ravissante de cet arbre aux racines éternelles… Que Dieu est le grand lis que je salue et je respecte, que le Diable, est la bête rouge et cornue qui, en s’échappant du lis, nous en révèle la blancheur et nous en démontre la dépendance.