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SABBAT

du pain, en mangeant du pain, quand nous ne caressons qu’une palombe en caressant une palombe !

Le Diable, heureusement, a ses initiés et les fait presque aussi délicieux que lui.

Je te jure que je l’ai vu aider Jésus à porter sa croix, que je l’ai vu glisser, dans la main de sainte Thérèse, la plume enflammée qui devait révéler, en partie, le secret de la passion divine. Je te jure que je l’ai entendu dire au Vincy, à ce démon plus que lucide : « Mon Bien-aimé », et je te jure que l’Évangéliste ne fut dément, démesuré, magnifique, confus et détestable que parce que, cette fois-là, Satan essaya d’égarer Dieu.

Si on interprète la Bible sataniquement, elle est inouïe.

Si on accepte la Bible dans le sens traditionnel, elle est inique, grotesque, intolérable. Jéhovah, en lui-même, ce vieil Hébreu si fatigué, n’est qu’un Dieu ridicule, affamé de malheurs et distributeur d’outrages aussi puérils qu’odieux. Mais que le Lyrique insensé, maudit et somptueux s’en mêle, et voilà que nous pleurons sur le lis vêtu de solitude, la folie aux cordes chanteuses, l’adolescence du berger-roi, les roseaux du Nil soumis aux pleurs d’un enfant, Rébecca accoudée sur le puits, comme toutes les femmes, les marchands bigarrés, démons des tribus odorantes et brunes, l’adorable plainte de l’Ecclésiaste qui, à force de tout détruire, devient éternelle, le cèdre qui, dans le vent