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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/81

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SABBAT

est, à mon dos, bonne comme au dos des lézards, et son air vivifiant pour mes poumons comme pour les poumons du faon qui vient de naître. D’où mon ravissement continuel, Bémolus…

— Se peut-il ! (à part). — Quelle brute ! — « Et tu es, dit-on, un poète, un vrai ?…

— Ça, oui.

— Je m’attendais à te voir pâle…

— Décharnée…

— Tu regardes, avec une ivresse stupide, le bracelet de baies de genièvre qui entoure ton bras, et, sur toi, cette robe qui te va mal…

— Ne sois pas amer, Bémolus ! Mon bracelet me fut donné par une petite fille inconnue qui sentait la sapinière et la solitude. Seul l’Invisible sait ce qu’elle a inventé de miracles, animé d’ombres radieuses, ajouté de grâce à l’univers et d’éternité à son âme quand elle a assemblé ces baies sauvages. De sa chanson balbutiante, naissait, une fois de plus, la Poésie, qui n’est, ô Bémolus, engendrée que par les petites filles et les fous. — Méfions-nous d’eux ! — Quant à ma robe, elle m’est indifférente. La parure, pour moi, est chose vaine lorsqu’elle n’est pas un divertissement, un symbole, une folie… J’aime poser sur ma tête, des couronnes et non des chapeaux, et, aussi y planter des cornes, et puisque ma robe est moins belle que mon corps, me voici nue…

— Oh !…