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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/82

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SABBAT

— Comme je suis charmante ! Éloigne-toi, Bémolus, que je me marie à l’amour, dans la caresse des églantines, ces jeunes filles de la forêt…

— Je t’en conjure ! Ne me laisse pas seul, ce soir… Mais remets ta robe pour que je n’aie pas à rougir devant toi.

— Imbécile !… Me voilà vêtue. En suis-je plus pure ?… Mais qui sait voir l’innocence de mes yeux ?…

— Si tu connaissais la splendeur des miens quand je suis frappé par les chères mains impitoyables ! Consumé par mes Déjanire…

— Tondu par tes Dalila…

— Quand Léda me donne, pour rival divin, un cygne…

— Et, les autres, un pourceau…

— Comme tu m’affliges ! N’as-tu donc jamais souffert de l’amour ?…

— Si… jadis… à mon aurore… Quand je n’avais que quelques centaines de siècles. À présent que je compte presque le double de mon âge ingénu, je sais que l’amour est l’amour et non un être pour la possession duquel nous devenons idiots et criminels et qui nous garrotte devant le râtelier de son absolu où il n’y a pas gros à manger, je te jure…

Maintenant, je sais que l’amour n’est pas tels yeux ou tels autres, mais tous les yeux qui reflètent la lumière divine, aussi bien ceux de la rosée que ceux du Diable qui sont riches de trillions de facettes, aussi bien ceux du hibou