Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. I, Gosselin, 1837.djvu/54

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— En vérité, dit alors madame Petit à son mari, voilà qui est incroyable ; si le capitaine avait un tant soit peu d’accent, je ne croirais pas qu’il fût de Paris. En tout cas c’est le premier Parisien qui s’endorme avec plaisir au bruit du Mistral, et qui aime les missonenques[1].

M. Petit était la complaisance même, aussi

  1. La missonenque est une des nombreuses variétés de l’hélice, vulgairement colimaçon. Nous avons encore le coutard, qui est à la missonenque ce que le perdreau est à la caille. Ce n’est pas seulement en Provence que l’hélice (coutard, mourguette ou missonenque) sert à la nourriture de l’homme ; plusieurs autres départements en mangent communément, au nord comme au midi. À Paris, on se contente d’en faire des bouillons et des sirops ; mais on ne doit pas ignorer que les Romains, peuple à la fois conquérant et gourmet, recherchaient beaucoup les hélices sur leurs tables. Ils imaginèrent d’élever ces mollusques conchylifères dans des espèces de parcs, et de les engraisser avec des substances choisies. Fulvius Harpinus mettait ses colimaçons au régime du vin cuit aromatisé avant de les manger.
    Il paraît que les Allemands préfèrent la choucroute au limaçon : en 1815, un brave bourgeois d’Arles ayant servi à deux hussards hongrois un plat de missonenques comme un régal, ces honnêtes guerriers crurent qu’on voulait les empoisonner, et portèrent le plat à leur officier, en réclamant contre leur hôte une punition exemplaire. L’officier en référa au maire, qui condamna le bourgeois d’Arles à manger lui-même son plat de limaçons,… ce qu’il fit, au grand étonnement des deux hussards.