Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. II, Gosselin, 1837.djvu/424

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core et nous ouvrent la grande porte. Sous le vestibule un neuvième laquais se présente ; celui-ci est en noir : c’est le valet de chambre de milord qui nous introduit dans ce qu’il appelle le breakfast room (la salle à déjeuner). Nous avions déjà eu le temps d’admirer le superbe escalier du vestibule tout en marbre, terminé par un dôme doré et aboutissant à deux galeries ornées de vases de fleurs disposés artistement. Dans la salle à déjeuner nous nous trouvâmes au milieu d’un petit musée ; je n’avais encore pu donner qu’un coup d’œil à un Murillo et à un Rembrandt, lorsque le valet de chambre qui était allé avec ses maîtres, rentra pour annoncer lady Suffolk et lady Cécilia Cliftongrove, sa belle-sœur.

» Soit prévention de ma part, soit l’influence de l’atmosphère aristocratique où elle respire depuis un mois, soit encore parce qu’elle n’était pas seule et qu’elle n’eût pas voulu, devant une fière belle-sœur, oublier un moment le soin de sa dignité, la noble pairesse me parut tout entière à son rôle de châtelaine. On voit bien, me disais-je, qu’elle a été présentée à la cour en passant à Londres, et qu’elle s’est faite déjà Anglaise du grand monde par sa grâce changée en affabilité ; au reste, elle m’eût peut-être embarrassé par plus d’abandon. Je t’avoue, ma bonne mère, que sans être précisément ébloui, j’étais sous le charme et je croyais à la métamorphose. Lady Suffolk renverse toutes les théories sur ce quelque chose qui trace une ligne de démarcation entre la noblesse de naissance et les parvenus. L’Opéra seul ne supplée pas à l’éducation ; c’est une princesse changée en nourrice. Mon noble compagnon lui-même, qui est naturellement comme chez lui dans un château,