Page:Piedagnel - Jules Janin, 1877.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
jules janin

Nous empruntons à son discours, d’une haute éloquence, le beau passage suivant :

… Le Journal des Débats, qui avait confié à Jules Janin, dans son feuilleton, l’héritage des maîtres, et qui ne le lui a jamais repris, n’a pas eu, pendant quarante ans, à lui reprocher une seule défaillance. Il travaillait donc toujours, à jour fixe. Mais, pour Jules Janin, écrire, était-ce travailler ? La nature travaille-t-elle quand elle couvre de fleurs la prairie sous la tiède haleine du printemps ? L’oiseau travaille-t-il quand il remplit de son chant mélodieux la profondeur des bois ? Neque laborant, neque nent, a dit l’apôtre. Jules Janin a joui pendant presque toute sa vie de cette floraison spontanée et de cette germination féconde qui fait ressembler ses œuvres, même réunies en volumes, à ces produits fragiles et embaumés de nos jardins ; — et aussi, quand la fatigue d’écrire est venue, quand la sève a tari, la mort n’était pas loin…
On l’avait appelé le prince des critiques. Il était mieux que prince : il était roi, roi de la littérature facile ; et à la façon dont il défendit un jour son domaine menacé par un redoutable adversaire, il mérita d’y régner jusqu’à la fin de sa vie en maître souverain et triomphant. Grâce à ce double attrait d’une langue facile et d’une verve puissante, il aura eu ce privilège d’avoir été, comme critique, à la fois très-recherché et très-écouté, entraînant par la séduction de son style le lecteur, que retenait ensuite la sagacité prime-sautière de son jugement. Ce fut le secret de sa longue