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jules janin
influence. À sa férule étaient attachés de joyeux grelots. Si elle attirait par le bruit, elle corrigeait souvent par la vive atteinte. Jules Janin ne croyait pas avoir charge d’âmes, mais il a toujours pris sa mission au sérieux. Il a eu des veines de sévérité qui rachetaient, aux yeux des vrais juges, ses périodes d’indulgence. Sa bonne humeur n’était pas banale ; sa rigueur ne s’obstinait pas.
C’est dans ces alternatives parfois savantes qu’il a réussi. Il y mettait plus de calcul qu’on ne croyait. Un « amuseur » insouciant n’eût pas régné si longtemps dans ce grand milieu critique qu’on appelle Paris, cette capitale du goût et du labeur intelligent sous toutes ses formes, tant que le jour dure. — Le soir, l’activité se complète, parfois se corrompt, dans les plaisirs, les curiosités et les audaces de la littérature dramatique. À ce besoin d’émotions théâtrales, souvent aveugle, il faut un guide. La censure, quand elle existe, n’est qu’une garantie insuffisante, une garde de police devant la porte. La critique dramatique est le vrai recours contre les excès du théâtre. À Paris, elle est représentée par d’excellents juges, gens d’honneur et de talent. Sous la plume de Jules Janin elle a toujours fait son devoir. La répugnance qu’il éprouvait pour l’étalage parfois impudent des mœurs équivoques devant un public honnête avait fini par tourner chez lui en une sorte de vertueuse colère. Au fait, il avait compris que la critique est, à elle seule, une honorable et virile profession, qui pouvait suffire, et pour la vie, à la considération d’un homme de bien.